Nous souhaitons vous transmettre un message de la coordination Cévennes Méditerranée qui s’est constituée le 24 juin dernier entre différents collectifs de solidarité avec les migrant-e-s de notre région.
En effet nous avons fait le constat commun que depuis des années, les lois anti-immigration s’empilent, transformant la violence de l’exil en crime. Des milliers de personnes sont bloquées aux frontières de l’Europe et des milliers d’autres meurent en tentant d’y accéder. Les états européens fichent, refoulent, enferment, expulsent les personnes migrant-Es, tout en revendiquant, comme la France, des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.
L’afflux de L’afflux de réfugié-e-s n’est pas près de se tarir. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités et tout faire pour accueillir celles et ceux qui fuient la misère, la guerre et les dérèglements du climat.
Face aux urgences rencontrées sur le terrain par nos différents collectifs :
* essentiellement : la menace de renvoi systématique des migrant-e-s dans le 1er pays d’entrée en Europe (accords Dublin, espace Schengen),
* mais aussi : l’empêchement de dépôt de demande d’asile par tous les moyens (camps illégaux Alpes Maritimes, renvois immédiat à la frontière italienne, violences à Paris, à Calais…)
Nous avons affirmé que :
* aucun être humain n’est illégal,
* les gouvernements doivent prendre leur responsabilité pour un accueil digne de tout exilé, migrant, réfugié.
* nous nous opposons résolument à toute mesure de répression.
Accueillir, c’est un choix politique. Des milliards sont dépensés pour repousser, réprimer, refouler, bloquer aux frontières au prix de milliers de mort-e-s chaque année. Nous revendiquons à l’opposé que ces milliards soient utilisés pour un accueil digne.
Notre conclusion est : STOP DUBLIN !
Nous ne savons pas si vous connaissez toutes et tous ici ce qu’est le règlement Dublin III, car il ne figure pas dans les points soulevés en vue de cette conférence nationale. Cette procédure européenne prévoit qu’un-e réfugié-e potentiel-le doit demander l’asile dans le premier pays européen où il/elle pose le pied. On sait où les gens sont passés avant d’arriver sur le territoire français grâce aux prises d’empreintes, souvent obtenues de force. Ces dernières sont conservées dans le fichier Eurodac.
A partir du moment où la personne figure dans le fichier, on n’examine pas sa demande d’asile, on ne lui demande pas ce qu’elle fuit, on la renvoie, là où personne n’a voulu d’elle, là où elle n’a pas voulu rester.
Ce signalement Eurodac justifie l’application de la procédure dite « Dublin », au terme de laquelle les demandeurs d’asile peuvent être renvoyé-e-s dans le premier pays européen traversé. Actuellement, cette procédure permet de faire obstruction à 70 à 90 % des demandes d’asile, et justifie une politique d’expulsion massive. Le règlement Dublin III fait peser toute la pression migratoire sur les pays du Sud (actuellement essentiellement l’Italie) et de l’Est de l’Europe. Les pays de l’Ouest s’exonèrent de toutes leurs responsabilités et laissent quelques pays se débattre avec ce que l’Union Européenne appelle « la charge » migratoire. La France n’est pas si exposée que ça. Elle n’est pas aux portes de l’Europe et les migrants ne tombent pas du ciel !
La procédure Dublin détruit psychologiquement, lentement mais sûrement, exposant souvent, à terme, les personnes qui migrent à un retour forcé vers le pays qu’elles ont fui. Alors qu’elles ont cru aux promesses des droits de l’Homme, alors qu’elles se croient « arrivées » et reprennent doucement des forces, la menace « Dublin » les fait vivre sous la crainte permanente des convocations en préfecture et l’annonce d’un renvoi dans le pays d’entrée en Europe. Insomnies, angoisses, anxiété, maux divers, syndromes post-traumatiques, etc., leur errance n’a pas de fin.
Est-ce que ça va s’arranger ? Non, ce n’est pas parti pour… Le projet de règlement européen Dublin IV, c’est encore pire. Les éléments de durcissement du système Dublin sont principalement :
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la limitation de la clause de souveraineté, qui permet à un État de traiter une demande d’asile même quand un autre État membre est responsable aux seules situations de regroupement familial. Cette clause permettait à la fois de résoudre des situations complexes d’errance et de prendre en compte le fait que certains États ne respectent pas ou mal le droit d’asile ou offrent peu ou pas de possibilités d’intégration. Le renvoi dans le pays responsable, le plus souvent le pays d’entrée, deviendrait donc obligatoire.
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la suppression du délais au-delà duquel un État qui ne renvoie pas vers le pays responsable devient lui-même responsable de la demande d’asile (au bout de six mois dans le cas le plus fréquent). Cette clause permettait d’être sûr qu’au final toute demande d’asile soit prise en considération, sa suppression va faire apparaître des demandeur-se-s d’asile qui ne retournent pas dans le pays responsable parce qu’il ne respecte pas leur droit, qui n’y sont pas expulsés, mais dont aucun pays de prend en considération la demande.
- l’obligation de renvoyer dans un pays tiers considéré comme sûr, à partir du moment où la personnes l’a traversée et qu’il est considéré qu’elle aurait pu y demander l’asile. On pense à des pays comme la Turquie, la Serbie, l’Ukraine, le Maroc, vers lesquels les demandeur-se-s d’asile seraient renvoyé-e-s à partir du moment où la Commission européenne les considéreraient comme sûrs.
- la possibilité de renvoyer les mineur-e-s vers un pays où ils ou elles auraient déjà déposé une demande d’asile, alors qu’aujourd’hui tout État doit traiter la demande d’asile d’une personne mineure.
- une limitation assortie de sanctions de la possibilité de circulation des demandeur-se-s d’asile et des réfugié-e-s dans l’espace européen.
Dans notre région comme ailleurs, de nombreux demandeurs d’asile des CAO et des PRAHDA ont été ou vont être convoqué-e-s en préfecture pour se voir signifier leur transfert Dublin.
Cet été, nous avons été durement éprouvé-e-s, en assistant, horrifié-e-s, aux nouvelles méthodes mises en œuvre par les préfectures de l’Hérault et du Gard pour « exécuter » les transferts Dublin, vraisemblablement sur les consignes du nouveau Ministre de l’Intérieur du gouvernement Macron, Gérard Collomb. Ces nouvelles méthodes tendent à se généraliser dans les autres départements en France.
Beaucoup trop de nos amis, menacés depuis des mois d’un renvoi au titre du règlement Dublin III vers l’Italie ont ainsi été assignés à résidence par arrêtés préfectoraux et obligés de se rendre chaque jour à l’Hôtel de Police à 16h, munis de tous leurs effets personnels, pour attester de leur présence dans le département, alors pourtant qu’ils n’étaient pas considérés comme « en fuite ». Un par un, ils ont été « subtilisés » sous nos yeux, lors de ces pointages quotidiens, par les agents de la Police de l’air et des frontières et placés en CRA (Centre de rétention administrative), d’où ils ont été « expédiés », dans les heures suivantes, vers une destination italienne qui ne leur avait même pas été communiquée au préalable (Bologne, Milan,…). Retour à la case « départ vers l’errance » ou à la clandestinité pour la plupart d’entre eux.
Quelques décisions judiciaires vont malgré tout dans notre sens :
Migrant-e-s Bienvenue 34 avait attiré l’attention de la Préfecture de l’Hérault sur une décision judiciaire rendue par le Tribunal administratif de Bordeaux le 7 juillet 2017 : il y a été jugé que le Préfet de Gironde, « en refusant de faire droit à la demande de mise en œuvre de la clause de souveraineté prévue par les dispositions de l’article 53-I de la Constitution française et de l’article 17 du règlement Dublin III (pour un soudanais transféré en Italie), a commis une erreur manifeste d’appréciation de sa situation ».
La Cour d’appel de Nîmes a rappelé pour sa part, le 31 juillet 2017, à propos de l’un de nos amis soudanais transférés brutalement en Italie : « Il résulte de ces textes qu’il appartient à l’autorité administrative de caractériser les circonstances, tirées des garanties de représentation ou du comportement de l’intéressé, propres à justifier le placement en rétention administrative d’un étranger assigné à résidence, lesquelles doivent nécessairement être survenues postérieurement à l’arrêté d’assignation à résidence.(…) En cet état, le placement en rétention de M. X est irrégulier au regard des prescriptions de ce dernier texte et l’arrêté préfectoral l’ordonnant ne peut, par conséquent, qu’être annulé. »
Le Tribunal administratif de Nice, le 4 septembre 2017, a de nouveau condamné le Préfet des Alpes-Maritimes dans trois ordonnances rendues en référé, pour « atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d’asile », après avoir examiné le cas de trois Soudanais interpellés et renvoyés aussitôt en Italie. C’est la deuxième condamnation du Préfet des Alpes-Maritimes en moins de six mois puisque, le 31 mars 2017, ce Préfet avait déjà été condamné pour le renvoi expéditif d’une famille érythréenne.
Depuis des mois, nous demandons sans effet l’annulation des renvois, assignations à résidence, et départs prévus ou en cours pour tou-te-s les « dubliné-e-s ».
Il nous semble qu’en exprimant ensemble notre refus et notre honte devant le désastre humain créé par le règlement Dublin, nous aurons probablement plus de poids.
Dublin est comme un verrou auquel les collectifs sont confrontés en permanence. Pour s’opposer à Dublin, il est indispensable d’interpeller l’État car c’est lui qui décide de la politique migratoire (à la différence de l’OFPRA ou du CNDA). Dublin est un condensé de l’intolérable situation faite aux migrants et à leurs soutiens : non respect des droits, inhumanité, répression, criminalisation, etc.. De ce point de vue la question de Dublin nous semble être un choix stratégique pour visibiliser plus généralement la situation des migrants, interpeller largement la population sur des questions clés et construire un rapport de force face à l’État. Dublin peut-être l’occasion que des organisations diverses se retrouvent et travaillent ensemble sur une bataille démocratique de type « égalité des droits » à même d’influencer l’opinion publique.
C’est pourquoi nous vous proposons aujourd’hui de travailler ensemble, car nos collectifs ont malheureusement peu de moyens, à une campagne nationale Stop Dublin :
- manifestations coordonnées sur le territoire et manifestation à Paris ;
- élaboration d’un matériel unitaire national : argumentaire sur Dublin, tracts et affiches (l’idée était de donner davantage de visibilité à cette campagne) ;
- organisation d’un festival STOP DUBLIN ;
- organisation d’une marche européenne STOP DUBLIN vers Bruxelles au printemps.